Les 3 spomenik communistes les plus insolites de Slovénie

Des monuments en béton posés dans une nature verdoyante !

Étranges, puissants, souvent isolés, dressés dans la nature sur des collines verdoyantes ou des points hauts, les spomenik sont des monuments qui ont été construits dans toute la Yougoslavie, sous Tito. Ils commémorent les grandes batailles et rappellent les atrocités de la Seconde Guerre mondiale.


Les spomenik, une puissance esthétique brutale posée dans la nature slovène


Les Spomenik sont les traces tangibles laissées par un pays qui a disparu, la Yougoslavie.


Leur nom vient simplement du mot serbo-croate spomenik, un mot qui signifie « monument commémoratif ».


Spomenik – Nis (Serbie)

Des spomeniks disséminés partout en Yougoslavie

Ce sont de véritables sculptures abstraites, parfois monumentales, aux formes futuristes ou brutalistes. Ces oeuvres sont souvent captivantes de par leur contraste avec la nature et leur aspect futuriste vintage.

Un spomenik que j’ai été photographié à Nis en Serbie.

Ils ont souvent été érigées dans les années 1960 et 1970 par des architectes à qui l’on a demandé d’imaginer un langage visuel moderne pour l’époque afin d’incarner la mémoire, l’unité des peuples yougoslaves et la résistance antifasciste.

Aujourd’hui, on peut toujours admirer ces monuments communistes

Il y a des dizaines de Spomenik en Croatie, en Serbie... et aussi deux très impressionnants en Slovénie, dont le plus original qui est situé pas très loin du lac de Bled et tout proche d’une église posée splendidement sur un éperon dans la nature. C’est celui de Dražgoše posé dans des collines verdoyantes, un endroit insolite très intéressant.

L’autre bâtiment saisissant est au sud de la Slovénie, à Ilirska Bistrica, organique et tout en béton.


Les Spomeniks sont des fragments d’un rêve politique disparu – celui d’une Yougoslavie unie et tournée vers la modernité.


A la fin de l’article, j’indique aussi tous les spomeniks que vous pouvez voir à Ljubljana.

A comprendre : Ce sont les deux premiers spomeniks qui vous impressionneront. J’en indique en fait d’autres pour ceux que le sujet intéresse mais ne faites pas de détour pour aller les voir. Il y a mieux en Slovénie.

Le monument du Hrib Svobode (Colline de la Liberté) à Ilirska Bistrica

Le monument du Hrib Svobode (Colline de la Liberté) à Ilirska Bistrica a été érigé en 1965. Ce spomenik rend hommage aux combattants de la 4e Armée yougoslave qui ont libéré la région des forces de l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un cube en béton de 8 mètres de haut, soutenu par neuf colonnes intérieures effilées. Cette structure évoque à la fois les formations karstiques typiques de la Slovénie et les ossements des combattants tombés au combat. Il a été conçu par le sculpteur Janez Lenassi et l’architecte Živa Baraga-Moškon,

Sous le monument repose une crypte contenant les restes de 284 partisans.

Situé sur la colline de la liberté, également connue sous le nom de Brinškov hrib, le site est entouré d’un petit parc arboré ce qui donne cette impression insolite d’un cube de béton posé dans la nature.


Le monument d’Ilirska Bistrica est devenu une icône de l’esthétique brutaliste


En 1981, 88 bouleaux y ont été plantés pour commémorer les 88 années de vie du président yougoslave Josip Broz Tito.

Sa localisation : ici

L’hexagone à colimaçon enflammée de Drazgose


Le monument de Dražgoše, niché dans les collines slovènes du nord-ouest de la Slovénie, est un puissant symbole de résistance et de mémoire posé en pleine nature.


Érigé en 1976, ce spomenik commémore la bataille de Dražgoše de janvier 1942, l’une des premières confrontations majeures entre les partisans slovènes (résitants) et les forces d’occupation nazies.

Il commémore une bataille tragique de 1942

Du 9 au 11 janvier 1942, environ 200 combattants du bataillon Cankar se sont opposés à plus de 2 000 soldats allemands. Malgré leur infériorité numérique et un armement limité, les partisans ont résisté pendant trois jours dans des conditions hivernales extrêmes.

Après leur retrait, en représaille, les forces allemandes ont exécuté 41 villageois, incendié Dražgoše et déporté les survivants vers des camps d’internement

Une œuvre d’art et de mémoire

  • Le monument en béton armé mesure 12 mètres de haut et 13 mètres de large. Vous verrez, il en impose dans ce paysage verdoyant de collines.
  • Il a été conçu par l’architecte Boris Kobe et le sculpteur Stojan Batič.
  • Son design abstrait évoque une flamme (c’est évident quand on le sait mais ce que je n’avais pas compris lors de mes deux premières visites), symbole de la lutte et de la résilience.
  • À sa base, vous trouverez une frise en bronze qui illustre les souffrances des habitants pendant l’occupation.

Un escalier mène à une plateforme offrant une vue panoramique sur la vallée, vous permettant de contempler le paysage marqué par l’histoire .

Le témoignage d’un survivant avec une grande mosaïque

Vous décourirez en y pénétrant une mosaïque de 7 mètres réalisée par l’artiste slovène Ive Šubic, lui-même survivant de la bataille. Cette œuvre poignante dépeint les horreurs du conflit, rendant hommage aux victimes et aux combattants .

Un lieu de mémoire pour les Slovènes

Aujourd’hui, le spomenik de Dražgoše est un site de commémoration important en Slovénie. Chaque année, des cérémonies y sont organisées pour honorer la mémoire des victimes et rappeler l’importance de la résistance face à l’oppression. Ce monument incarne la détermination d’un peuple à préserver sa liberté et son identité.

A lire pour découvrir ces lieux : Jamnik, la petite église la plus photogénique de Slovénie

Le monument Ikarus à Nova Gorica

Dans le centre de Nova Gorica, vous verrez le monument « Ikarus ». Il rend hommage à Edvard Rusjan, pionnier slovène de l’aviation et l’un des premiers à voler dans la région : le 25 novembre 1909, il s’élança dans les airs avec un avion qu’il avait construit lui-même, seulement cinq ans après les frères Wright.

Tragique : Sa vie fut fulgurante : il mourut à 24 ans, le 9 janvier 1911, après un crash à Belgrade causé par des vents violents. Pourtant, son héritage a profondément marqué l’histoire de l’aviation dans les Balkans.

Ce monument qui ressemble beaucoup à un vaisseau de Star Wars, a été créé en 1960 par le sculpteur Janez Lenassi. Il s’élève sur la place Edvard Rusjan, non loin du lieu de son premier vol. Il représente une figure stylisée d’Icare — une métaphore évidente pour ce jeune homme audacieux qui a rêvé de défier les cieux.

Attention : N’allez pas à Nova Gorica en été. Nova Gorica n’a pas de vieux centre, pas de ruelles pavées, pas de charme. Cette ville a été construite de toutes pièces en 1947, quand la frontière entre l’Italie et la Yougoslavie a coupé la ville historique de Gorizia en deux.

Pour remplacer le centre perdu, Tito fit ériger une cité nouvelle, pensée comme une utopie socialiste. Tout y est rationnel : larges avenues, immeubles collectifs, espaces verts, bâtiments publics. Le béton y règne en maître, symbole de modernité, d’efficacité et d’égalité. Inspirée par les idéaux modernistes. Conséquence, c’est une vraie fournaise en plein été. Vie agréable le soir au centre avec des cafés.

Un endroit intéressant seulement pour les amoureux d’architecture et les alentours sont beaux !

Les statues du centre de Kranj

C’est un ensemble sculptural méconnu au cœur de la ville de Kranj qui date de 1961 avec une volonté claire : ancrer dans l’espace public la mémoire du soulèvement national pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pour le matérialiser, quatre sculptures monumentales ont été installées à différents endroits de la place (sculpteur Lojze Dolina). Chaque sculpture représente une scène symbolique du combat contre l’occupant : la grève, le début de l’insurrection, le combat des partisans, et enfin la révolution.

Faites bien le tour de la place pour les découvrir, successivement.

Localisation de ces statues : Slovenski Trg à Kranj

Les Spomenik à Ljubljana

Je vous indique aussi les spomenik que vous pouvez voir à Ljubljana. Ils sont cependant moins impressionnants que ceux posés dans la nature slovène mais si vous voulez voir des statues communistes pendant votre voyage slovènes, les voici.

Sur la place de la République, en plein centre de Ljubljana, se dresse un monument en bronze de 11 mètres de haut : le Monument à la Révolution. Inauguré en 1975, il rend hommage à la résistance des Partisans slovènes (résistants communistes) pendant la Seconde Guerre mondiale et à la Révolution socialiste qui a suivi la libération du pays.

De loin, le monument semble assez petit en raison de la grande taille de la place mais venez jusqu’à son pied et il vous paraîtra tout de suite plus imposant.

Pendant la guerre, Ljubljana fut encerclée par une clôture de barbelés de 30 km – un cas unique en Europe – et subit l’occupation d’abord italienne jusqu’en 1943, puis allemande jusqu’au 9 mais 1945. Des milliers de civils furent arrêtés, exécutés ou envoyés dans des camps. La ville fut libérée par les Partisans le 9 mai 1945 qui entrèrent triomphalement dans la capitale, après 1 171 jours d’enfermement.

A savoir : Mon meilleur parcours à vélo suit ces barbelés.

Le monument évoque symboliquement ce soulèvement : figures humaines, bras levés vers le ciel, masses sculptées en mouvement… Le tout forme une sorte de « groupe en marche », une métaphore puissante de la lutte collective. Le socle en pierre porte des extraits de la Constitution de 1974, rédigée à l’époque de la Yougoslavie socialiste.

À quelques mètres au sud du Monument à la Révolution, sur la place de la République, se trouve une autre œuvre du sculpteur Drago Tršar : le monument à Edvard Kardelj, inauguré en 1981, deux ans après sa mort.

Né à Ljubljana en 1910, Kardelj fut l’un des principaux penseurs du communisme yougoslave et un proche collaborateur de Tito. Résistant pendant la guerre, il devint ensuite l’un des hommes politiques les plus influents de la République socialiste de Slovénie.

Edvard Kardelj

Observez bien !: 15 grandes figures en bronze (environ 2.5 mètres de haut), dont 14 sont anonymes, sans visage, comme une masse uniforme. Seul un homme s’en détache nettement, en marche et sculpté avec précision : Edvard Kardelj. Ce contraste semble symboliser son rôle unique de leader, émergent du groupe.

En 1995, la ville de Ljubljana envisagea de démonter cette œuvre, mais le projet n’aboutit pas. Aujourd’hui encore, elle reste visible, à quelques pas de l’Assemblée nationale – un témoignage à la fois artistique et politique d’une époque révolue.

Le résistant de Ljubljana

Vous apercevrez cette silhouette de bronze dans un parc au moment de passer la porte d’entrée du vieux gratte-ciel Neboticnik que je vous conseille vivement de visiter (retournez-vous et vous verrez la statue). Inauguré en 1953, le monument représente un homme en manteau, en mouvement, le regard tourné vers l’horizon.

Vous verrez donc un homme debout, vêtu d’un long manteau, marchant avec détermination. Ce personnage symbolise les résistants clandestins — appelés ilegalci — qui ont combattu dans la capitale slovène entre 1941 et 1945, durant l’occupation italienne puis allemande.


Par son langage expressif et le mouvement des lignes du manteau, la sculpture évoque la bravoure, la tension et le combat mené dans l’ombre.


Œuvre de Frančišek Smerdu, ce monument fut très populaire dès son dévoilement en 1952, reproduit sur des médailles, timbres et manuels scolaires.

Localisation : Ici

Les otages executés pendant la seconde guerre mondiale

Le Spomenik talcem v Rožni dolini est situé à la lisière ouest du parc Tivoli. C’est un hommage poignant aux otages exécutés pendant la Seconde Guerre mondiale.

  • Très belle sculpture de 1952 : Un buste éclatant en pierre blanche d’un otage, placé sur un haut socle carré en pierre,
  • Localisation historique : le monument se dresse à l’endroit même où plusieurs otages furent fusillés pendant la guerre.
  • L’inscription traduite : « Toi qui passes, ne pleure pas, je ne suis pas mort. Dans tout ce que tu vis, dans ce que tu peux maintenant faire librement, en bâtissant pour la génération, c’est moi – je suis mon propre sacrifice »

Localisation : Ici – Vous passerez devant si vous suivez la plus belle piste cyclable de Ljubljana.

Un héros de la résistance, Franc Roman

Surnommé « Commandant Stane », Franc Roman fut l’un des figures majeures de la résistance slovène contre l’occupation nazie et fasciste. Il mourut en 1944 des suites d’une blessure reçue en testant une arme anti‑char britannique. Déclaré héros national, il a été commémoré dans l’avenue centrale de Ljubljana et vous verrez encore ce monument si vous y faites attention en passant.

Le monument en lui‑même : Érigé en 1975, ce « spomenik » est typique de l’art monumental de l’ère socialiste yougoslave. Il s’agit d’un triptyque en pierre sculptée, représentant Rozman sous différentes facettes : en leader concentré et en combattant déterminé face à l’adversité

Localisation : ici

La révolte des femmes

Ce monument rend hommage à des manifestations féminines qui eurent lieu pendant l’occupation de Ljubljana. Ces actions étaient destinées à protester contre l’occupation fasciste / nazie et surtout à exiger la libération de prisonniers politiques ou patriotes, à faire entendre une voix de résistance pour retrouver leur proche ou leur mari.

  • Ce n’était pas nécessairement des grandes manifestations de rue comme on pourrait les imaginer dans un contexte de liberté, mais il s’agissait souvent d’actes de protestation collective — des rassemblements, des revendications symboliques, des actions de rue, pour montrer le mécontentement, la solidarité et faire pression sur les autorités occupantes.

Sveti Urh : la mémoire des victimes de la Garde Blanche

Au pied d’une colline boisée juste à côté de Ljubljana, le mémorial de Sveti Urh honore les victimes exécutées par les collaborateurs fascistes. Le lieu, où se trouvait une base militaire de la Garde Blanche, est aujourd’hui un espace de recueillement. C’est aussi le point de départ d’une randonnée vers le village d’Orle.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Sveti Urh servait de base militaire à la Garde blanche. Après la capitulation de l’Italie, les collaborateurs fascistes ont utilisé l’église et les bâtiments alentours comme centre de détention. Des partisans, des résistants et leurs soutiens y furent torturés, exécutés, puis enterrés dans la forêt voisine.

Dès 1945, les premières cérémonies d’hommage ont eu lieu sur place, notamment lors de l’exhumation des corps. Des villages voisins organisaient alors des nuits de deuil, au cours desquelles on chantait des chants partisans et récitait des poèmes.

Localisation : ici – Petit musée à côté.

Une belle mosaïque cachée dans un hall d’entrée

Cette oeuvre est bien cachée à Ljubljana et je l’ai découverte en pénétrant dans le hall de l’immeuble qu’on appelait tous avant Slovenijales en raison de son nom en police Western posé au sommet : la mosaïque Partizanska kolona (La Colonne des partisans) a été réalisée par Ive Šubic vers 1984.

L’œuvre représente une marche hivernale de combattants partisans, encadrée par des arbres sombres, un ciel rougeoyant et un cheval. Le style de Šubic, tantôt stylisé, tantôt narratif, confère une solennité symbolique à la scène — Elle ne témoigne pas uniquement d’un épisode historique, mais invoque le sacrifice, la persévérance et la quête de liberté.

Les plus observateurs auront reconnu sur cette mosaïque le style de Šubic du monument de Drzagose avec ses hommes caractéristiques.

Pour la voir, il faut rentrer dans le hall du batîment (en libre accès). Ici


D’autres monuments à Ljubljana

Un livre pour aller plus loin

Cet ouvrage en anglais explore de façon approfondie la création des monuments en Yougoslavie socialiste (1945-1991), dédiés à la lutte antifasciste et à la révolution. Il analyse leur diversité, leurs auteurs, les choix esthétiques et politiques qui les ont façonnés, leur lien avec d’autres traditions commémoratives, ainsi que leur destin après la chute de la Yougoslavie — entre abandon, destruction et cette redécouverte internationale depuis dix ans pour leur modernisme. Il annonce dans l’introduction que plus de 30 000 monuments ont été érigés en Yougoslavie, un pays disparu qui a laissé des traces.

Disponible ici.

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